Les bryophytes du Moeraske et de l’Hof ter Musschen
Une synthèse
Nous présentons, ici, une synthèse de 25 ans d’observation des mousses et hépatiques relevées sur les deux sites semi-naturels gérés, animés, défendus et étudiés par notre association.
C’est en 2000 qu’André Sotiaux et son épouse Odette sont venus pour la première fois faire de la bryologie au Moeraske. Quelques-uns d’entre-nous, initiés par de tels experts, se sont alors -modestement !- pris d’intérêt pour ce pan du Vivant rarement inventorié.
Depuis, André, Odette (tant que sa santé le lui permettait) et leur fils Marc (à partir de 2014), nous ont fait l’amitié de venir guider, une fois l’an, sur un de nos sites. Ainsi, chaque année, nos inventaires se complètent.
Toutes les espèces répertoriées dans cette synthèse l’ont été par André Sotiaux. La plupart des espèces l’ont été directement sur le terrain, quelques-unes ayant cependant nécessité, de sa part, une étude microscopique. Quelques spécimens, enfin, récoltés par certains d’entre-nous en dehors de ces sorties, ont aussi été présentés à André Sotiaux pour identification.
Le tableau
- Il reprend toutes les espèces (et une sous-espèce) répertoriées au Moeraske et à l’Hof ter Musschen de 2000 à 2025;
- Les noms vernaculaires en français des espèces n’ont pas été repris car ils génèrent souvent des confusions au contraire des noms en néerlandais de celles-ci, qui sont bien plus évocateurs, … mais qui nécessitent quand même une bonne connaissance de la langue;
- L’indice de rareté est celui assigné par A. Vanderpoorten dans son étude sur la bryologie de la région de Bruxelles-Capitale (A. VANDERPOORTEN, A bryological survey of the Brussels Capital Region, in Scripta botanica Belgica, vol. 14, 1997, pp. 1-83.);
- Pour des raisons pratiques, le Walckiers (la partie schaerbeekoise du Moeraske) a été scindé du reste du site du Moeraske dans la réalisation des relevés;
- Dans la colonne 3 sont donc reprises toutes les observations se rapportant à l’ensemble du Moeraske sans tenir compte de la partie Walckiers;
- La colonne 4 se rapporte exclusivement au Walckiers;
- Dans la colonne 6, c’est l’ensemble du Moeraske -Walckiers inclus- qui est repris;
- Les années mentionnées sont celles de la dernière observation de l’espèce, le but poursuivi étant d’avoir une vue actualisée des recensements et non une compilation de ceux-ci;
- Dans les colonnes 6 et 7, le “1” correspond à l’indice de présence.
Les chiffres
La bryoflore belge (chiffres au 02/03/2025 ) est riche de 771 espèces qui se ventilent comme suit : 588 mousses, 178 hépatiques et 5 anthocérotes.
La bryoflore du Moeraske compte, pour sa part, 97 espèces : 86 mousses et 11 hépatiques.
Pour l’Hof ter Musschen, on dénombre 82 espèces de mousses et 11 espèces d’hépatiques, soit un total de 93 espèces.
Au total, 77 espèces sont communes aux deux sites, 20 sont propres au Moeraske et 16 à l’Hof ter Musschen. Ceci donne un total cumulé Moeraske/Hof ter Musschen de 113 espèces, soit 14,5 % de la bryoflore belge… sur 25 hectares !
Il est à noter qu’aucun de nos sites n’abrite des anthocérotes.
Quelques “vérités” sur les bryophytes
- Question classification : l’Embranchement des Bryophytes appartient au Règne des Végétaux et se subdivise en trois Classes, soit les Anthécérotes, les Hépatiques et les Mousses;
- au niveau mondial, il en existerait environ 23 000 espèces, se répartissant approximativement en 350 Anthécérotes, 9 000 Hépatiques et 13 500 mousses;
- leur origine remonterait à 350 millions d’années;
- le développement, ces dernières années, des études génétiques bouleverse fortement la bryologie actuelle en élevant au rang d’espèces des anciennes sous-espèces, des variétés ou même parfois des formes;
- cela étant, leur nomenclature -déjà complexe !- est très évolutive… ce qui ne simplifie pas les choses !;
- ce sont des végétaux chlorophylliens de couleur verte qui ne possèdent ni racine (mais des rhizoïdes, sorte de petits crampons), ni de véritables vaisseaux (ils absorbent l’eau par toute leur surface);
- l’accomplissement de leur cycle biologique (leur reproduction) est dépendant de la présence d’eau puisque les gamètes mâles ont besoin de celle-ci pour atteindre les organes femelles;
- ils se reproduisent aussi de manière végétative;
- liés, pour leur très grande majorité, au milieu aqueux, on les trouve principalement dans des endroits peu ensoleillés et très humides;
- grâce à leur capacité de reviviscence, ils peuvent, en cas de sécheresse, se déshydrater très fortement et entrer dans un état de vie ralentie durant plusieurs semaines, reprenant une activité normale dès le retour de l’eau;
- ils colonisent tous les milieux naturels ou artificiels, depuis l’équateur jusqu’aux régions polaires, à l’exception, cependant, du milieu marin dont ils sont totalement absents;
- avec les lichens, ils jouent un rôle essentiel dans la dynamique de constitution des écosystèmes végétaux, puisque bouclant leur cycle dans des endroits souvent extrêmes, ils sont à la base des premiers humus essentiels à la croissance des plantes supérieures;
- bien que pouvant pousser sur les végétaux, ils ne parasitent nullement ceux-ci et ne leur causent aucun dégât;
- ils sont très peu consommés par la faune à l’exception de quelques invertébrés qui s’en nourrissent, mais le plus souvent de façon assez marginale;
- les oiseaux et certains micromammifères les utilisent pour réaliser leurs nids;
- les principales menaces qui pèsent sur eux sont notamment : la destruction des biotopes naturels, la régression des habitats spécialisés (disparition des vieilles forêts et des vieux arbres), l’enrésinement des fonds de vallée, l’abandon des anciennes pratiques agro-pastorales, les apports excessifs de fertilisants azotés, la pollution atmosphérique, l’emploi des herbicides,… ;
- la récolte à but commercial des mousses pour les fleuristes ou aux fins de décoration est aussi une menace réelle, ces collectes se faisant dans la Nature sans soucis de la rareté ou non des espèces prélevées;
- aux fins de détermination, il est convenu de classer les mousses en “acrocarpes” (une capsule terminale portée par un pédicelle au bout de la tige dont le port est normalement dressé) et “pleurocarpes’ (une tige rampante portant à l’aisselle une ou plusieurs capsules prolongeant un ou des pédicelles);
- parmi les Hépatiques, on distinguera pour les mêmes raisons, les “hépatiques à thalle” (qui évoquent certaines algues vertes) et les “hépatiques à feuilles” (dont les “feuilles” sont regroupées sur deux rangées) qui prêtent parfois à confusion avec certaines mousses;
- chez nous, la bonne période pour les observer est l’hiver, car à ce moment, ils souffrent moins de la concurrence des plantes supérieures et le taux d’humidité important -vital pour leur développement- leur est favorable;
- les bryologues les plus expérimentés peuvent reconnaître les espèces non seulement à l’état humide (l’état “normal” et celui qui est le plus explicité dans les ouvrages de référence) mais aussi à l’état sec, pour le commun des “autres”, c’est nettement… moins malaisé à l’état humide;
- le matériel requis pour inventorier sur le terrain : une loupe de botaniste (rapport 10 X), un canif pour prendre précautionneusement quelques échantillons, des enveloppes pour stocker ceux-ci, un crayon pour noter (sous une météo humide ! ), un bon guide (cfr. infra), un carnet de notes de terrain et une petite bouteille d’eau pour humidifier certains spécimens si nécessaire;
- il est indéniable que les visites guidées par un accompagnateur expérimenté sont essentielles à tout qui souhaite progresser dans le domaine;
- l’intérêt des herbiers de bryophytes réside en ce qu’il suffit d’humidifier les échantillons pour que ceux-ci reprennent exactement la forme qu’ils avaient alors qu’ils étaient vivants (puis, ils se déshydratent à nouveau se conservant parfaitement pour une très longue durée);
- autre atout majeur de ces végétaux -et l’auteur de ces lignes (Michel Moreels) en est persuadé !-, ils attirent les fées qui lors des chaudes nuits d’été aiment à s’y prélasser !
L’identification des bryophytes : quels guides utiliser ?
Pour la Belgique, nous avons la chance d’avoir deux guides qui permettent de recenser l’ensemble de notre bryoflore.
A savoir :
- H. SIEBEL & H. DURING, Beknopte Mostflora van Nederland… en België, Utrecht, 2006 (ouvrage à la réalisation duquel André Sotiaux a collaboré);
- I. ATHERTON, S. BOSANQUET & M. LAWLEY, Mosses and Liveworts of Britain and Ireland, a field guide, Plymouth, 2010 (publié par la British Bryological Society).
Ces deux ouvrages sont, de fait, complémentaires.
Le premier, en néerlandais, reprend toutes les espèces observées en Belgique et les illustre par des dessins ; alors que le second, en anglais, est basé sur des photos et quelques dessins de détails.
Dans le second ouvrage, il y a deux espèces belges, rares, qui manquent et quelques-unes qu’on ne rencontre pas chez nous. L’intérêt du guide de la British Bryological Society réside dans sa présentation d’une seule espèce par page qui est plus simple que celle de l’ouvrage hollandais, mais répétons-le, il est souvent utile de passer d’un livre à l’autre pour affiner son jugement.
Quant aux ouvrages en français, jusqu’il y a quelques années, il n’y avait rien de très satisfaisant.
Les choses ont, néanmoins, changé avec : V. HUGONNOT, J. CELLE & F. PEPIN, Mousses & hépatiques de France, Mèze, 2015 (publié par Biotope).
Le point faible de ce travail réside dans le fait qu’il ne présente que 170 espèces… soit environ un dixième de la bryoflore de l’Hexagone et que cette non-exhaustivité est bien entendu pénalisante. Les points forts sont à trouver dans la clarté des explications, dans le bon choix des espèces présentées (nombreuses sont celles qu’on retrouve sur “nos“ sites), dans le recours à des termes botaniques précis… qu’il n’y a pas lieu d’essayer de traduire.
Ce guide n’est donc pas suffisant en lui-même, mais il facilite le recours à nos deux incontestables ouvrages de référence.
Enfin, notons tout récemment :
- V. HUGONNOT & J. LEICA CHAVOUTIER, Les Bryophytes de France, vol. 1 : Anthocérotes et Hépatiques, Mèze, 2021 (publié par Biotope)
- V. HUGONNOT & J. LEICA CHAVOUTIER, Les Bryophytes de France, vol. 2 : Pleurocarpes et Sphagnales, Mèze, 2024 (publié par Biotope).
Ces deux ouvrages -de grosses « briques !»- sont exhaustifs et reprennent toute la bryoflore belge correspondante. A l’heure actuelle manque encore donc le volume sur les Acrocarpes qui devrait sortir dans les prochaines années. Lorsque celui-ci sera sorti, ces trois ouvrages en Français offriront le guide le plus complet que l’on puisse imaginer.